Le groupement territorial social et médico-social, à la croisée du groupement hospitalier de territoire et du groupement de coopération social et médico-social
L'article 6 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie[1] crée le groupement territorial social et médico-social (GTSMS) dont les missions, le cadre juridique et l'organisation s'inspirent à la fois du modèle du groupement hospitalier de territoire (GHT) et de celui du groupement de coopération social et médico social (GCSMS), tout en s'en démarquant sur plusieurs points. La loi insère, dans le chapitre II du titre 1er du livre III du code de l'action sociale et des familles (CASF) une section 4 bis « Coopérations » composée d'une sous-section unique « Groupement territorial social
Un objectif initialement gestionnaire, élargi à la définition d'une stratégie d'accompagnement des personnes âgées
L'article 6 de la loi a pour origine un amendement parlementaire fondé sur le constat que: « Le secteur des EHPAD publics est marqué par une certaine atomisation de son offre,... » et proposant en conséquence: « d'accélérer le mouvement de renforcement des coopérations, en créant une obligation pour les EHPAD publics autonomes de coopérer dans le cadre d'un nouveau type de groupement... qui doit contribuer à assurer la pérennité de services publics accessibles et coordonnés dans chaque territoire. » [3] [4].
Le double objectif assigné au GTSMS est plus large, puisqu'il s'agit non seulement « de rationaliser les modes de gestion par une mise en commun de fonctions et d'expertises », ce qui correspond à l'intention première exprimée par les auteurs de l'amendement, mais aussi « de mettre en oeuvre une stratégie commune d'accompagnement des personnes âgées dans une logique de parcours »[5].
Une stratégie commune d'accompagnement
Le GTSMS élabore une stratégie commune d'accompagnement des personnes âgées pour assurer la cohérence de leur parcours dans le territoire, pouvant prévoir la détention ou l'exploitation par le groupement d'autorisations. En outre, dans chaque groupement les établissements et les services membres élaborent un projet d'accompagnement partagé garantissant l'accès à une offre d'accompagnement coordonnée et la transformation des modes d'accompagnement au bénéfice des personnes âgées, y compris l'accompagnement des personnes handicapées vieillissantes.
Le GTSMS est constitué à l'initiative des établissements concernés et le territoire d'implantation choisi lui permet d'assurer une réponse de proximité aux besoins des personnes âgées et de mettre en oeuvre un parcours coordonné au profit de celles-ci.
La rationalisation des modes de gestion
Le GTSMS, dont la liste des compétences, contrairement au GHT, ne comporte pas de mutualisations obligatoires, est seulement tenu d'assurer pour le compte de ses membres au moins une fonction parmi les suivantes :
1° La convergence des systèmes d'information des membres et la mise en place d'un dossier de l'usager permettant une prise en charge coordonnée ;
2° La formation continue des personnels ;
3° La démarche qualité et la gestion des risques ;
4° La gestion des ressources humaines ;
5° La gestion des achats ;
6° La gestion budgétaire et financière ;
7° Les services techniques.
D'autres fonctions mentionnées dans la convention constitutive peuvent lui être confiées, pour le compte de tout ou partie de ses membres, notamment la mutualisation de certains marchés et le partage des compétences relatives à la passation des marchés publics.
Le groupement peut aussi assurer les missions dévolues à un GCSMS, à savoir :
permettre les interventions communes des professionnels des secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires;
être autorisé, à la demande des membres, à exercer directement les missions et prestations des ESMS et à assurer directement, à la demande de l'un ou plusieurs de ses membres, l'exploitation de l'autorisation après accord de l'autorité l'ayant délivrée ;
être chargé de procéder à des fusions et regroupements ;
créer des réseaux sociaux ou médico-sociaux et adhérer à ces mêmes réseaux ou aux réseaux et groupements de coopération ou d'intérêt public prévus au code de la santé publique ;
être chargé, pour le compte de ses membres, des activités de pharmacie à usage interne.
Le GTSMS peut :
1° Constituer des fonds propres ;
2° Recourir à l'emprunt.
Sous réserve de l'accord du directeur général de l'ARS les établissements membres peuvent mettre en commun leurs disponibilités déposées auprès de l'État.
Le GTSMS peut également, sous réserve de l'accord du directeur général de l'ARS et, le cas échéant, du président du conseil départemental :
Présenter un plan pluriannuel d'investissement et son plan de financement pour le compte d'un ou de plusieurs de ses membres ;
Conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens unique pour l'ensemble de ses membres.
Le GTSMS apparait donc comme une structure à géométrie variable, selon que ses membres décident de ne mutualiser qu'une seule fonction ou décident au contraire de déléguer au groupement l'ensemble des compétences que la loi lui permet d'exercer.
Un champ d'application restreint mais potentiellement extensible
Une adhésion obligatoire pour les EHPAD publics autonomesLa loi impose aux seuls établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes publics (EHPAD) autonomes, aux accueils de jour autonomes publics et aux services à domicile publics l'obligation d'adhérer :
Soit à un GHT;
Soit à un GTSMS.
Ce champ d'application, déjà limité, est susceptible de se restreindre encore car les établissements peuvent, avec l'accord du directeur général de l'ARS, déroger à l'obligation d'adhésion s'ils sont issus de la fusion de plusieurs établissements publics ou s'ils présentent une spécificité dans l'offre départementale d'accompagnement des personnes âgées. Par ailleurs cette obligation ne s'applique pas aux territoires et collectivités d'outre-mer.
La faculté offerte aux établissements assujettis d'opter pour le GHT ou pour le GTSMS pose question. Ces deux formes de groupement n'ont pas la même situation juridique, les mêmes missions, les mêmes attributions, le même mode de fonctionnement ni le même périmètre et si les EHPAD d'un même territoire choisissent pour les uns d'adhérer à un GHT déjà existant et pour les autres de créer un GTSMS, sur un périmètre qui ne coïncidera pas nécessairement avec celui du GHT, il est à craindre que ne soit pleinement satisfait l'objectif affiché de mettre en oeuvre une stratégie commune d'accompagnement des personnes âgées sur un territoire donné. Tout au plus peut-on espérer que la convention de partenariat que chaque GTSMS doit conclure avec un GHT ou un établissement de santé permettra d'assurer l'articulation entre le projet d'accompagnement partagé du GTSMS et le projet médical du GHT ou de l'établissement sanitaire.
Une adhésion facultative pour les autres établissements sociaux et médico sociaux publics
Les EHPAD publics non autonomes gérés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale (CCAS) ou par une collectivité territoriale peuvent adhérer à un groupement, sans précision sur la nature de celui-ci, après approbation de leur organisme gestionnaire.
Les EHPAD gérés par un établissement public de santé (EPS) peuvent, avec l'approbation de celui-ci, adhérer à un GTSMS, sachant qu'ils font déjà partie d'un GHT du fait que l'EPS qui les gère en est membre.
Certains établissements publics autonomes assurant la prise en charge de personnes handicapées[6] peuvent également adhérer au GTSMS sous réserve de l'accord du directeur général de l'ARS, mais eu égard aux publics auxquels ils s'adressent, on peut douter qu'ils trouvent à s'inscrire dans une stratégie d'accompagnement des personnes âgées.
Une relation de partenariat facultative avec les établissements et services privés
La loi ne prévoit pas que les EHPAD privés puissent adhérer à un GTSMS. Ceux-ci peuvent tout au plus en être partenaires en concluant une convention fixant notamment l'articulation de leur projet d'accompagnement avec celui du groupement. Il est permis de regretter que la loi ne soit pas plus incitative car les établissements de statut associatif ou commercial représentent une part importante de l'offre d'accueil des personnes âgées dépendantes et il serait concevable qu'ils soient parties prenantes dans la stratégie commune d'accompagnement de ces personnes.
Un statut de GCSMS adapté
Le GTSMS prend la forme juridique d'un GCSMS et se trouve doté de la personnalité morale, ce qui le distingue du GHT qui en était jusqu'à présent dépourvu[7].
Le CGTSMS est régi par une convention constitutive, dont le directeur général de l'ARS devra apprécier la conformité avec le projet régional de santé, est-il précisé.
Les GCSMS existants peuvent être transformés en GTSMS dans les conditions précitées.
Contrairement au GCSMS, dont l'organe exécutif est un administrateur élu en son sein par l'assemblée générale, le GTSMS est dirigé par un directeur d'établissement sanitaire, social ou médico-social nommé par le directeur général de l'ARS, après avis du président du conseil départemental, sur proposition de l'assemblée générale. À défaut de proposition de celle-ci, le directeur général de l'ARS nomme le directeur après le seul avis du président du conseil départemental.
Le directeur du groupement peut diriger un ou plusieurs établissements qui en sont membres.
Il coordonne, pour le compte de ses membres, les fonctions exercées par le groupement dont il est le représentant légal.
Il élabore le budget du groupement, qui est approuvé par l'assemblée générale.
Le GTSMS pouvant disposer d'un personnel propre, le directeur recrute les fonctionnaires, dont il est précisé qu'ils relèvent de la fonction publique hospitalière, et les agents contractuels affectés au groupement.
L'indemnité du directeur est fixée par l'assemblée générale.
Les règles en matière de contrôle des délibérations des établissements sociaux et médico sociaux publics s'appliquent également aux délibérations des GTSMS
Les comptables des GTSMS sont des comptables publics de l'Etat et lorsque les établissements relèvent d'un GTSMS, un comptable public unique est désigné, ce qui parait de bonne gestion.
Entrée en vigueur
Les modalités d'application de ces dispositions sont déterminées par décret en Conseil d'État.
Leur entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2025, suivie d'une période transitoire de trois ans pour permettre la mise en place des groupements, dont la liste devra être arrêtée au terme de l'année 2026 dans chaque région par le directeur général de l'ARS et les présidents des conseils départementaux.
[1] JO du 9 avril 2024
[2] Elle complète aussi le 3° de l'article L. 312-7 de ce code de deux alinéas portant sur les conditions de mise à disposition d'un GCSMS des agents territoriaux et hospitaliers
[3] Amendement n° 1380 (Recta.) https://www.assemblee nationale.fr/dyn/16/dossiers/alt/mesures_societe_bien_vieillir
[4] Voir aussi les travaux de l'ANAP « Renforcer le GCSMS pour accélérer l'évolution de l'offre d'EHPAD publique » https://anap.fr/s/article/renforcer-GCSMS-pour-accelerer-l-evolution-de-l-offre-EHPAD-publique
[5] Art. L. 312-7-2 III du CASF
[6] Il s'agit des établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social et médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés, des établissements ou services d'aide par le travail et de réadaptation, de pré orientation et de rééducation professionnelle et des établissements et services, y compris les foyers d'accueil médicalisés, qui accueillent des personnes handicapées.
[7] L'article 25 de la loi du 27 décembre 2023 prévoit que le GHT pourra avoir la personnalité morale dans le cas, notamment, où tous les établissements membres en expriment la volonté.